NÔ tilde


 

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No2« Le théâtre Nô est comme un temple de la beauté. C’est le lieu où s’accomplit l’union suprême de la solennité religieuse et de la beauté sensuelle. Aucune autre tradition théâtrale n’est parvenue à un tel raffinement. La vraie beauté agresse, domine, pille et finalement détruit… C’est derrière son masque, que la beauté dissimule la mort qui un jour inéluctable, me conduira à la destruction et dans le silence. »
Yukio Mishima

Le Nô a été fondé au 14ème siècle, à l’époque de Kanami et de son fils Zeami. Il a atteint son apogée à la période flamboyante Azuchi-Momoyama, que l’on appelle quelquefois la Renaissance japonaise. L’art du sabre a également été perfectionné à cette époque. Durant l’ère Tokugawa, le Nô était considéré comme un accomplissement culturel de la classe des guerriers. Les samuraïs pratiquaient le Nô pour entrainer leur corps et leur esprit.

Le Nô et l’art du sabre requièrent un même état d’esprit et de corps.

Le paradoxe du Nô tilde

L’acteur occidental fait de la présence en scène son alpha et son oméga. De fait, il n’accomplit que la moitié du chemin. L’acteur de nô cultive aussi l’absence, allège son ego en alourdissant son corps, comme un câble tendu entre le cosmos et le centre de la terre.

L’expérience du nô s’articule autour d’une spirale d’énergie, comme l’adn, une série d’apparitions successives et de disparitions, un aller et retour entre le monde des vivants et celui des morts en équilibre sur un fil tendu mais souple.

Si notre visage est bien souvent enfoui dans la glaise des convenances, le nô est le pinceau de l’archéologue qui peu à peu dégage nos traits de la gangue qui l’étouffe, les masques multiples de l’âme. C’est le corps entier qui est contenu dans ce visage, si grand et pourtant si petit, afin que deux êtres, le vivant et le mort, l’un véhicule de ce visage immobile, l’autre porteur de son ame, s’entrelacent, passent et repassent d’un coté à l’autre du miroir, tant et si bien qu’à force de frottements l’air s’embrase comme le spectateur, véritable lieu de la représentation.

Est-ce le masque qui bouge ou le monde qui tourne autour d’une si parfaite verticalité ?

Cette forme ancestrale de théâtre en ce qu’elle fraye avec la pratique et bien souvent l’invisible s’affranchit de la chair plus qu’elle ne l’expose, se considère comme un lieu d’expérience unique, un endroit de passage d’énergie qui dissèque le présent, déroule les viscères du temps, loin, très loin de la représentation d’un spectacle tel que nous, occidentaux la concevons.

Il nous est difficile de comprendre comment tant de chose s’accomplissent en si peu de signes. C’est là le paradoxe du nô, si codifié et si proche de l’âme, si plein et si vide à la fois, si difficile et pourtant si simple.

Stéphane Oertli
Metteur en scène et acteur, élève de l’école Sayu

Anatomie du Nô tilde

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Dessin par Zoé Laposte