補陀落へ (Vers le Mont Potalaka) - La mer de Nachi

補陀落へ (Vers le Mont Potalaka) – La mer de Nachi

 »Dans l’Aïkido (conventionnel), il n’y pas d’Aiki. »
Après presque 8 ans de pratique avec moi, mon partenaire Laurent, a prononcé cette parole.
 »Enfin, tu as vu. », lui ai-je répondu.

C’est évidemment normal: de ne pas se rendre compte toute de suite, car il avait déjà plus de 20 ans d’expérience de l’Aïkido, et il était naturellement bien attaché à cette méthode.

En général, en Aïkido, on pratique les formes, alors que chez nous, on recherche l’Aïki, c’est-à-dire, l’essence. (Finalement, l’Aïki comme méthode serait une initiation qui amène les pratiquants au-delà du niveau physique.)
Ce n’est pas une critique pour l’Aïkido car les écoles traditionnelles japonaises fonctionnent toujours comme ça.

Pourquoi? A mon avis il y a plusieurs raisons complexes :

-Les essences ne s’enseignent pas. Comme  »Furyumonji » (不立文字), une notion de Zen, qui signifie que cela ne peut être contenu dans les mots, qu’on ne peut pas expliquer les choses essentielles par les paroles.
-Si on n’enseigne que les essences, alors cette école deviendrait ésotérique, et ne serait pas accessible à tous. Ce n’est pas la meilleure stratégie pour propager un enseignement.
– Le guide n’ose pas expliquer les essences. Si on les enseigne, cela risque de fermer la voie des pratiquants. En les cherchant, chacun peut ouvrir sa voie.
-Les essences sont des secrets, c’était un  »business » d’initier petit à petit et cela coûtait des fortunes aux initiés.
Une anecdote raconte que le Fondateur de l’Aïkido, Ueshiba Morihei sensei aurait offert une si grande fortune qu’il aurait pu acheter des montagnes à son maître de Daitoryu: Takeda Sokaku sensei.
-Pour conserver une hiérarchie : le maître enseigne à son successeur les essences qu’il choisit. On parle aussi de  »Isshi Souden » – 一子相伝: toutes seront transmises au fils unique.
Il peut ainsi garder sa supériorité vis-à-vis des autres pratiquants.

Les arts japonais étaient transmis de génération en génération et ainsi de suite.
秘すれば花 世阿弥 Les fleurs doivent être cachées, Zéami.
秘するは 伝えんがためなり 柳生宗矩 Pourquoi nous cachons, c’est pour transmettre, Munenori Yagyu.

Malgré tout, j’essaye de partager avec chacun, des fleurs que je ramasse sur ma voie.
-Parce que j’ai vu énormément d’absurdités dans les méthodes traditionnelles japonaises, j’ai choisi d’être à part.
-Parce que les secrets sont utiles et enrichissants pour la vie de tous les pratiquants.
-Parce que cela ne m’intéresse pas d’enseigner les formes sans essences.
-Parce que mon maître m’a initié, c’était une grande joie pour moi, et j’aimerais partager cette joie avec mes élèves dans ce monde absurde.

Aucune méthode n’est parfaite, finalement.
Si on ne pratique que les formes, il y a le risque de s’attacher sans rechercher l’intérieur.
De même, si on ne cherche que l’essence, on ne peut pas réaliser les techniques.
Et, je connais bien des avantages à l’apprentissage des formes en Aïkido.

Cette année 2017, grâce au retour de Laurent, je vais commencer à créer notre  »Aïkido », ce sera bien sur des formes avec l’essence, mais pendant le cours, on cherchera plutôt à répéter sans réfléchir.

Je pense que pour être vivant et créatif, on doit toujours relever des défis. Et cet essai sera un hommage pour tous les maîtres précédents, ainsi que pour les pratiquants suivants.

Je vous souhaite une excellente année à tous,
Au plaisir,

Masato MATSUURA